Et si Napoléon m'était conté...

Publié le par MARY DOLLINGER

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Hier j’ai assisté à une conférence sur la jeunesse de Napoléon, faite par un ami qui a la largesse d’esprit d’être un fervent admirateur de votre empereur et également un anglophile chaleureux. Seule Anglaise présente, je fais profil ras de terre par respect pour mon ami et m'interdis de poser des questions ou de faire sentir ma présence hostile. Car, bien entendu, je déteste Napoléon. Je l’admire d’une certaine façon ainsi que les Français qui ont bien voulu s’affubler d’un empereur héréditaire après avoir décapité un roi qui ne l’était pas moins. Alors je reste, toute petite, attentive et respectueuse. En somme, je joue contre ma nature profonde ce qui est à la fois douloureux et héroïque.

L’assistance accompagne Napoléon jusqu’à sa vingt quatrième année dans un recueillement quasi religieux. Elle se réjouit de son passage valentinois en tant que sous-lieutenant, (il est bon de savoir qu’il a tout de même été « sous » quelque chose à une époque de sa carrière), puis applaudit en témoignage des grandes choses qui ne vont pas tarder à s’accomplir. On sollicite des questions, il n’y en a pas. Toujours muette, je me félicite de voir que la Française que je suis devenue a pris le pas sur l’Anglaise que j’étais. Il y a si longtemps.

Puis le maire prend à parole. Ravissante brune, aussi jolie que gracieuse, elle remercie chaleureusement le conférencier, et s’inquiète du manque de questions. Comment résister ? Au moment où les Français boudent les urnes, je me trouve face à une jeune femme que tout le monde aurait voulu élire. Moins grosse que Martine, beaucoup plus sexy que Ségolène, plus grande que Nicolas, plus chaleureuse que François, moins intellectuelle qu’Olivier et tellement plus belle que Daniel, elle souhaite des questions. Je ne supporte pas qu’elle soit déçue. Alors je me lance. Timidement. En essayant de gommer mon accent, et ne voulant surtout vexer personne, je réussis à mécontenter la totalité de l’assistance.

Qu’ai-je dit ? Vraiment pas grande chose. Simplement qu’il me semblait que les premières années de Buonaparte ne laissaient rien présager de Napoléon. Qu’il allait et venait entre la Corse et le Continent, demandait souvent des congés pour des raisons peu militaires tout en brimant son frère aîné, et adorant sa mère. En réalité ce n’était même pas une question, juste un tout petit constat. Quelque chose pour meubler le silence et faire plaisir au maire. Un acte de civisme désintéressé. Et comme beaucoup d’actes désintéressés, il a été mal compris. La rumeur enfle, le mécontentement gronde. Je regrette, bien entendu, mais il est trop tard, alors au lieu de me taire sagement, je rajoute une couche. Je ne vous dirai pas ce que j’ai dit, car je ne suis pas forcément fière de moi, et lorsque, au milieu du brouhaha, mon voisin s’est penché vers moi pour m’expliquer que le premier adjoint avait la jambe dans le plâtre après une rencontre avec une Anglaise sur une piste de ski, je décide de sécher le pot de l’amitié. 

À chacun son Waterloo.

 

Publié dans Culture

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